Les règles, un sujet longtemps passé sous silence
Pendant des décennies, les règles n’étaient tout simplement pas évoquées dans les séries et les films.
Ce silence a contribué à renforcer le tabou des menstruations, laissant des générations de spectateurs et spectatrices avec l’impression que ce phénomène naturel devait rester caché, voire honteux.
Mais les choses changent. Les créateurs et créatrices de contenu osent de plus en plus aborder ce sujet frontalement. Les menstruations deviennent des moments de narration, des scènes de comédie ou même des déclencheurs dramatiques. Alors, s’agit-il d’un véritable progrès ou d’une simple récupération de tendance ?
1. Les règles à l’écran : une invisibilité historique
Silence radio à Hollywood et ailleurs
Pendant longtemps, la règle numéro un était… de ne pas parler des règles.
Dans les années 50 à 80, même les publicités de protections hygiéniques utilisaient un liquide bleu pour ne pas “choquer” le public.
Les scénaristes évitaient soigneusement de mentionner les menstruations de leurs héroïnes, préférant des ellipses. Cette invisibilité a contribué à renforcer le sentiment de tabou, en donnant l’impression que ce phénomène pourtant universel était indigne d’être montré.
Quand les premières scènes apparaissent
Les années 70 et 80 marquent un timide tournant. L’un des exemples les plus marquants reste Carrie (1976), où la scène d’ouverture montre la jeune fille avoir ses premières règles sous la douche. Mais l’angle choisi est celui de l’horreur, associant les menstruations à la honte et au cauchemar.
Il faudra attendre les années 90 et 2000 pour voir apparaître quelques références plus neutres, mais encore très marginales.
2. Les clichés persistants autour des règles
Même quand les menstruations sont représentées, elles le sont souvent de manière caricaturale.
La femme “hystérique”
Un cliché tenace associe encore les règles aux sauts d’humeur extrêmes, aux crises de colère ou aux larmes incontrôlables.
Combien de fois dans une série ou un film a-t-on entendu un personnage dire :
“Tu dois avoir tes règles…”
pour justifier un comportement émotionnel ?
Ce raccourci entretient l’idée que les femmes sont irrationnelles pendant cette période, au lieu de montrer que chaque cycle est vécu différemment.
La scène comique “gênante”
Autre cliché fréquent : la tache sur le pantalon blanc ou la protection qui fuit, souvent utilisée comme ressort humoristique.
Si ces situations existent dans la vraie vie, elles sont rarement vécues comme drôles par les premières concernées.
Le risque : réduire les menstruations à une simple source de honte ou de gag.
3. Les progrès récents : vers plus de réalisme
Des séries qui osent
Ces dernières années, plusieurs séries ont changé la donne.
Elles abordent les règles avec réalisme, naturel et pédagogie, contribuant à briser le tabou :
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Big Mouth (Netflix) : aborde sans détour la puberté, les premières règles, les hormones.
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Sex Education : montre des dialogues ouverts entre ados sur les menstruations et l’acceptation du corps.
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Orange Is the New Black : évoque la précarité menstruelle en prison, un sujet rarement traité.
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I May Destroy You : intègre une scène intime de sexe avec menstruations, sans voyeurisme.
Ces représentations permettent aux spectateurs de se reconnaître et de comprendre que les règles ne sont ni sales, ni honteuses.
Des films qui changent le regard
Certains longs-métrages participent aussi à la démocratisation du sujet :
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Turning Red (Alerte Rouge) de Pixar : métaphore des premières règles à travers la transformation en panda rouge, avec une approche tendre et éducative.
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Period. End of Sentence. : documentaire oscarisé sur la stigmatisation des règles en Inde et l’accès aux protections.
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Lady Bird : inclut des discussions réalistes entre amies à propos du cycle.
Ces exemples montrent que le cinéma peut jouer un rôle d’éducation menstruelle en abordant le sujet avec bienveillance.
4. Pourquoi c’est important de montrer les menstruations
Briser le tabou
Chaque fois qu’une série ou un film montre une scène liée aux règles sans jugement, cela contribue à normaliser le sujet.
Cela aide les jeunes (et moins jeunes) à comprendre que ce phénomène est naturel et universel.
Lutter contre la précarité menstruelle
En mettant en lumière les difficultés d’accès aux protections, les œuvres audiovisuelles sensibilisent le public à un enjeu social majeur.
Cela peut même inspirer des changements concrets, comme la mise à disposition gratuite de protections dans certains lieux publics.
Créer une meilleure éducation menstruelle
Un public exposé à des représentations réalistes apprend à mieux comprendre son corps et à en parler.
Cela participe à réduire les tabous intergénérationnels et les complexes.
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5. Ce qui reste à améliorer
Des héroïnes encore trop “parfaites”
Malgré les progrès, de nombreuses héroïnes de séries semblent ne jamais avoir leurs règles.
Elles vivent des aventures extrêmes sans que cela ne soit jamais mentionné, ce qui peut renforcer un sentiment d’invisibilité.
Représentation inclusive
Il reste aussi du chemin à faire pour inclure :
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Les personnes trans et non-binaires qui ont leurs règles.
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Les femmes en situation de handicap.
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Les différentes réalités culturelles et religieuses liées aux menstruations.
Montrer toutes les émotions
Les règles ne se résument pas à la douleur ou à la honte. Elles peuvent être vécues comme un moment de reconnexion au corps, de ralentissement, voire de célébration.
Les fictions pourraient montrer davantage cette dimension.
6. Vers un futur sans tabou ?
La tendance semble claire : les menstruations s’invitent de plus en plus dans les récits.
Les scénaristes osent briser les non-dits, en font parfois des éléments clés de l’intrigue, et donnent la parole aux personnages pour qu’ils en parlent sans gêne.
Cela ouvre la voie à un changement culturel majeur, où les règles ne sont plus une source de honte, mais une composante normale de la vie.
De l’ombre à la lumière
Les règles dans les séries et les films ne sont plus invisibles, et c’est une bonne nouvelle.
Certes, il reste des clichés à déconstruire et des représentations à diversifier, mais le chemin parcouru en quelques années est encourageant.
Chaque scène réaliste contribue à libérer la parole et à offrir aux nouvelles générations une vision plus saine de leur corps.
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